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Pour un élargissement de l’éducation à la citoyenneté démocratique à travers la Bildung: Klafki défiant le 21ème siècle

Le problème abordé ici est celui de l’absence perçue de cohésion sociale dans les démocraties contemporaines confrontées à des défis d’ordre sociaux et environnementaux, en particulier, de l’absence d’intérêt pour l’éducation à la citoyenneté. Idéalement, l’éducation citoyenne devrait contribuer à la création de la cohésion sociale et permettre ainsi l’établissement d’une confiance mutuelle et d’une identité sociale commune, toutes les deux nécessaires à la législation républicaine et à la résolution pacifique des conflits politiques, sociaux et culturels. Je pars de l’hypothèse que l’intérêt pour une éducation citoyenne démocratique subit les effets aliénants du capitalisme et de la politique de la vie courante, et que pour surmonter ces effets, il pourrait être propice d’introduire dans le débat le concept allemand de Bildung.

L’idée est qu’inclure la Bildung culturelle dans l’éducation citoyenne pourrait conforter la légitimité et l’efficacité d’une matière considérée comme parfois ennuyeuse, formelle, autoritaire, moralisatrice et même inutile, focalisée principalement sur l’éducation morale à la vertu et sur les institutions sociales existantes, laissant peu de place aux prises de positions et études critiques des droits et devoirs à travers l’éthique, la politique et le droit. Plus encore, à travers l’élargissement de l’idée d’éducation citoyenne démocratique en lien avec la culture et la prise de positions (pensée critique), cela aurait pour effet secondaire bénéfique de renforcer la reconnaissance des arts, des humanités, des sciences et d’autres activités humaines dans les sociétés démocratiques. Or, l’égalitarisme démocratique a une propension à contribuer, idéologiquement, à un glissement dangereux allant de l’anti-autoritarisme, en passant par l’antiélitisme et l’anti-snobisme, vers un anti-intellectualisme, ou bien encore un anti-scientisme, et ainsi jusqu’à un scepticisme général envers certains des plus brillants acquis de l’humanité : et ça, c’est honteux!

Le mot ‘Bildung’ est souvent perçu comme ayant un sens spécial et une connotation qui ne peut pas être saisie convenablement à travers sa traduction dans d’autres langues. C’est pourquoi, dans les discours pédagogiques en langue anglaise, il existe une série de traductions alternatives comme : éducation, formation, édification, acculturation, ou simplement : culture. Toutefois, vu de l’extérieur, comme par exemple un danois pourrait le faire, qui est à la fois étranger à la langue allemande et à la langue anglaise, il semble que le mot anglais ‘education’ pourrait fournir des connotations similaires à la ‘Bildung’ allemande et à son équivalent danois ‘dannelse’. Ainsi, en français, être bien éduqué, ou avoir de l’éducation, n’est pas loin d’être ‘gebildet’, ou d’avoir de la Bildung.

Cependant, comme je l’ai fait auparavant (voir Sørensen, 2015a et 2015b), dans ce qui suit, je vais employer de temps à autre le mot allemand Bildung pour souligner ce dont je parle, d’autant que je propose de développer deux aspects du mot Bildung. Je traite d’un de ces aspects dans un article en préparation où je propose de suivre Habermas qui transforme la Bildung de quelque chose qui lie principalement la conscience individuelle à quelque chose de collectif,  communautaire ou sociétal, pour identifier les processus extra-individuels de formation du caractère qui sont formulés dans les termes d’“acculturation” ou de “culture”. Je reconnaît tout de même qu’en insistant sur la démocratie délibérative, la transformation de la Bildung opérée par Habermas fournit un concept objectivé, trop léger, d’une Bildung discursive et collective, et je défends l’idée que la politique démocratique devrait plutôt se diriger vers un concept plus dense et complet, et ainsi attribuer une valeur formatrice à une large variété d’activités dans lesquelles pourraient engager les êtres  humains, si cela n’est déjà fait, à savoir : non seulement des actions variées et des réflexions argumentées, mais aussi la culture en général. (Voir Sørensen, 2020, à paraître).

Cette dernière considération nous conduit à une des significations de la Bildung que je vais aborder maintenant. Les débats politique limitent souvent, de façon modeste, les ambitions et les revendications normatives, à des aspects de la vie sociétale tels que les lois et la politique, et ainsi restreignent la démocratie et l’éducation démocratique citoyenne à ce que Rawls aurait considéré comme une conception seulement politique. (voir p.ex. Rawls, 1996,154-48, § IV.5). Or, en faisant cela, je prétends qu’il y a un risque à ce que les idéaux normatifs deviennent trop altérés par les réalités des lois et de la politique de la vie ordinaire et ainsi soient considérés comme indignes des aspirations à des idéaux, et cela à cause du consentement avec la rationalité instrumentalisée du pouvoir. En conséquence, cette attention limitée sur des conceptions politiques dispersées contient les germes pour déprécier l’humanité. Au lieu de cela, nous devons ouvrir l’éducation démocratique et citoyenne en admettant à travers la Bildung d’autres champs de pratiques humaines qui soient capables de représenter l’humanité splendide et formidable, attrayante et authentique.

Je pense que de cette façon la démocratie délibérative peut acquérir de la légitimité et une valeur complémentaires, à condition qu’elle devienne une doctrine complète et dense dans un sens qui va au-delà de celui de Rawls, c’est-à-dire au-delà de tout ce qui est seulement religieux, philosophique et moral (voir p.ex. Rawls, 1996, 13-14 § I.2). Et même en élargissant l’éducation citoyenne au sens de la doctrine complète de Rawls, cela risque de rester abstrait, aliénant ou simplement ennuyeux. Une démocratie durable ne peut être maintenue simplement par une tolérance respectueuse et par une indifférence réciproque, elle exige une appréciation mutuelle. Un pas dans cette direction serait un mouvement au-delà du libéralisme politique de Rawls et l’adoption du républicanisme social-démocrate proposé par Durkheim (voir p.ex. Sørensen, 2012b), qui élargit la liberté négative à une autonomie positive en proposant une unification dialectique du collectif et de l’individuel : un ‘nous’ qui est un ‘je’ et un ‘je’ qui est un ‘nous’, selon le postulat bien connu énoncé par Hegel (voir Hegel, 1952, 140).

Cependant, pour devenir véritablement attractive et légitime, l’éducation citoyenne doit également inclure la reconnaissance de la différence, en particulier dans sa relation à la culture et c’est là où l’usage de la Bildung devient pertinent. Une des manières de suivre cette proposition est de s’ouvrir aux perspectives que la Bildung offre à travers la tradition humaniste et néo-humaniste allemande. Afin de s’étendre à travers les frontières, à l’intérieur et à l’extérieure de la société, l’éducation citoyenne devrait s’inspirer de l’idée humaniste classique de Bildung employée par l’instruction scolaire dans un sens très large. Et la Bildung n’est pas simplement un concept idéaliste du passé. On peut trouver des modèles modernes pertinents et dense du concept de Bildung dans les pédagogies et didactiques contemporaines allemandes et c’est dans ces débats que je vais maintenant me plonger. Selon mon interprétation, les curriculum studies du monde anglophone, pourraient avoir quelque chose d’important à dire à ce propos (voir p.ex. Klafki, 2007, 93), mais dans cette argumentation pour développer l’éducation citoyenne, j’envisage des possibilités conceptuelles de la Bildung telles qu’elles sont abordées dans les disciplines allemandes précitées.

Ici je dois admettre qu’en tant que philosophe, je ne suis expert dans aucune des trois disciplines mentionnées, ni en sciences politiques. Cependant, comme je l’ai mentionné, je me suis intéressé à l’idée de Bildung auparavant, en particulier dans deux analyses : celle du jeune Hegel dans la Phénoménologie de l’esprit, et celle du très jeune Habermas, d’avant, et dans L’Espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise. Curieusement, ils suivent deux directions très différentes. Hegel identifie la Bildung dans la société moderne comme la constitution de l’esprit en Entfremdung, c’est-à-dire en aliénation ou étrangeté (voir Sørensen, 2015b). En revanche, Habermas reconnaît les connotations classiques de la formation du sujet comme plus autonomes et plus étroitement liées et impliquées à la réalité humaine ; à la fois en théorie et en pratique et en terme de connaissance ; à travers la science et la technologie, aussi bien comme savoir-faire et compétences, beaux-arts et humanités, politique et éthique etc. (voir Sørensen, 2015a). C’est cette dernière conception, plus traditionnelle et très complète de la  Bildung et de la  dannelse que je vais prendre à présent comme point de départ.

Dans les deux cas cependant, la Bildung pourrait être comprise comme une ouverture de la réalité humaine qui fournit les conditions d’autodétermination en lien avec cette réalité. Ainsi, dans le débat allemand, la Bildung est très souvent interprétée comme un processus ‘d’ouverture au monde’ ‘Welt-Erschließung’ (voir p.ex. Stojanov, 2018, 9, 163 et Stojanov, 2006, 35). Dans le cas de Hegel, ce qui est révélé par l’expérience constitutive de la modernité est ainsi lacération et mutilation, c’est-à-dire l’expérience d’être désespérément écarté, une éducation qui se termine en dernier lieu en aliénation éclairée. Pour Habermas, la Bildung est imposée moins dramatiquement comme une valeur idéale à rechercher pour les êtres humains et de cette façon la réconciliation est d’une certaine manière considérée comme possible. C’est seulement plus tard qu’il souligne que la réussite sociale dans la sphère culturelle spécifiquement nécessitera les privilèges de la classe bourgeoise. Dans l’esprit de la critique idéologique, il met ainsi l’accent sur la discrète et suspecte liaison bourgeoise entre Besitz et Bildung, c’est-à-dire entre propriété ou possession, et éducation/ formation.

Dans la continuité de ces observations, je ne vais pas m’appesantir dans ce débat sur l’éducation citoyenne en tant que telle. L’accent va être mis sur la Bildung, et au Danemark cela signifie s’appuyer sur les fameuses Études de la théorie de la Bildung et de la didactique (Studien zur Bildungstheorie und Didaktik, 1963) du pédagogue allemand Wolfgang Klafki.[1] Ainsi Klafki insiste sur la didactique qui doit appuyer un humanisme rénové en reconnaissant de façon critique et constructive à la fois, l’héritage culturel classique et l’idéologie critique venant de la Théorie critique et ainsi donner du poids au débat actuel pour l’adaptation éducative à des problèmes sociaux et environnementaux majeurs à travers la démocratie politique et la société civile (I).

La didactique de Klafki est clairement politique, liée explicitement aux questions de  justice, et même celle de la salle de classe. Or, elle a également pour objectif d’être une théorie de l’apprentissage, de l’enseignement et de la scolarité en tant que telle. Elle propose une idée exhaustive du développement humain, aspirant à l’excellence non seulement en droit et en politique, mais aussi dans les matières comme l’éthique, l’économie, l’esthétique et la religion, c’est-à-dire dans la culture et l’activité humaine en général (II).

Cette façon d’argumenter à propos de l’éducation citoyenne, souligne, l’importance de la Bildung culturelle pour la solution de problèmes en complément de la démocratie politique. Cela implique la prise en compte d’autres aspects de la vie humaine : non-politiques,  apolitiques et supra-politiques, reconnaissant ainsi comme légitimes à la fois les droits humains fondamentaux et la récalcitrance anarchiste. Cet accent très libéral a toutefois une importante implication pour l’éducation citoyenne dans une social-démocratie républicaine, en mettant l’accent sur le fait que la vraie éducation démocratique suppose une reconnaissance mutuelle de l’autre individuel dans son altérité importante et singulière (III).

Pour cette raison politique, je défends une idée exhaustive et solide de l’éducation citoyenne, qui ne réfute pas les valeurs culturelles évidentes ou les idéaux humains, mais, au contraire, qui soit favorable, d’une manière complète et inclusive, à l’intégration de la multitude légitime et précieuse des capacités humaines, des talents et des ambitions.

  1. LA BILDUNG COMME OUVERTURE DU MONDE CONTEMPORAIN

En reconnaissant la réalité de l’aliénation dans le monde contemporain, (voir p.ex. Sørensen, 2019), je me permets d’écarter radicalement le libéralisme politique dans le sens étroite et pointu de Rawls et, pour utiliser à la place la dialectique social-démocrate républicaine, en considérant, comme Durkheim, que c’est seulement en la considérant une doctrine valable complète et objective, c’est-à-dire une religion civique consistante, que la démocratie délibérative peut également devenir une obligation civique individuelle confirmée et vice versa. Toutefois, en dépassant Rawls, Durkheim, Habermas et al, je vais affirmer finalement que c’est seulement en valorisant la valeur métaphysique de chaque être humain que la démocratie peut, à travers la Bildung et l’éducation citoyenne, espérer traverser les frontières et les clivages culturels et établir un milieu attrayant et légitime de confiance mutuelle.

En outre, mon intuition est que l’éducation citoyenne elle-même devient plus légitime et aussitôt plus intéressante en acceptant de viser la Bildung – ou l’épanouissement humain – au sens le plus fort. De ce fait, nous avons besoin de cette notion substantielle de Bildung respectivement pour la social-démocratie républicaine et pour l’éducation citoyenne. Et l’humanisme allemand qui a maintenu le débat sur l’éducation, la pédagogie et la didactique principalement en termes de Bildung, est une voie de recherche. C’est en cela que la didactique de Klafki offre un exemple excellent.

Pour Klafki, la didactique a des répercussions pour la Bildung et pour le contenu du programme éducatif. Il reconnait la tradition de la Bildung dans l’éduction libérale ou générale qui met l’accent sur l’enseignement et ainsi sur la transmission des éléments culturels qui sont considérés comme exemplaires[2]. Il convient de choisir des exemples qui démontrent le meilleur que les humains ont été capables de réaliser en sciences, dans l’art, l’histoire, le comportement éthique et la réflexion philosophique. Ces exemples, parfois institutionnalisés sous forme de normes ou de lois comme un droit ‘canon’, constituent traditionnellement le noyau essentiel de l’éducation générale, c’est-à-dire le contenu de la Bildung.

Pourtant, une éducation adaptée et convenable, c’est-à-dire une Bildung efficace, doit aussi contenir des éléments déterminants de l’époque contemporaine, et c’est la fameuse idée des ‘problèmes-clé de l’époque’. A l’envers de la tradition classique de l’ouverture au monde, Klafki cherche à présenter une idée moderne de la Bildung qui exprime une “conscience critique, historico-socio-politique et pédagogique” (Klafki, 2007, 56). Dans cette perspective, une Bildung réussie suppose ainsi d’atteindre à une conscience historiquement éclairée des problèmes contemporains majeurs. L’idée est qu’à chaque époque, l’humanité fait face à des problèmes-clé généraux que nous devons, nous tous, et individuellement, prendre en charge, et cela inclut également la volonté d’apporter  une solution à ces problèmes. Klafki donne cinq exemples de ces problèmes-clé contemporains – c’était il y a 50 ans : la Paix, l’environnement, l’inégalité socialement créée, “la nouvelle orientation technologique, les médias d’information et de communication” (Klafki, 2007, 59) et enfin, la subjectivité, les relations personnelles et de genre. Ainsi, l’époque de Klafki semble se chevaucher avec la nôtre : nous tous faisons face au capitalisme globalisé, au militarisme, et au sexisme.

Klafki soutient que certains de ces problèmes pourraient être traités avec pédagogie dès l’école maternelle et il s’attarde sur certains détails des problèmes qui peuvent faire l’objet d’une éducation. L’important est de développer très tôt une “conscience internationale” (Klafki, 2007, 81) de ces problèmes qui peuvent être abordés plus tard à l’école et dans l’enseignement supérieur. Klafki encourage également les théoriciens de la pédagogie et ceux qui l’exercent à s’investir politiquement et à coopérer avec ces partis politiques qui puisent des idées éducatives des Lumières, de la même façon qu’il recommande aux pédagogues professionnels de coopérer avec les ‘nouveaux mouvements sociaux’ qui s’engagent pour la paix,  l’écologie et les droits des femmes (Klafki, 2007, 79).

La didactique, dans cette perspective, critique et constructive, contribue à l’objectif général de la pédagogie et notamment à l’idée que l’éducation doit apporter une Bildung qui permette aux êtres humains de devenir adultes, des individus indépendants et critiques, capables de formuler des opinions sur des enjeux importants du monde dans lequel ils vivent. Ainsi la didactique et la pédagogie en ce sens proposent une ouverture au monde laquelle contribue au maintien de la conscience des droits humains et à la prise de décisions démocratiques éclairées.

  1. OUVRIR DES MONDES MULTIPLES AVEC LA DIDACTIQUE

Dans la tradition humaniste, la didactique a pour mission de considérer l’enseignement comme un tout (voir Klafki, 2007, 87), c’est pourquoi elle est parfois appelée l’art d’enseigner. Néanmoins, Klafki préfère définir la didactique comme la théorie ou la doctrine d’apprentissage et d’enseignement (voir Klafki, 2007, 90), et cela signifie bien entendu qu’il faut considérer ce qui doit être enseigné, c’est-à-dire le programme éducatif, d’un point de vue érudit et théorique, comme évoqué plus haut. Toutefois, cela veut dire qu’il faut aussi tenir compte de la manière d’enseigner et d’éduquer et c’est sur ce point que Klafki a, à l’évidence, le plus travaillé.

A l’opposé du foci éducatif actuel sur l’employabilité et le développement des compétences techniques, l’approche humaniste de Klafki est beaucoup plus politique. Cela est démontré lorsqu’il examine les solutions, les réussites et les efforts qui méritent d’être reconnus et acclamés dans l’éducation, c’est-à-dire en soulignant ce qui compte quand les évaluations sont faites. Pour Klafki c’est une question de justice distributive et c’est pourquoi le changement didactique suggéré est explicitement politique. Ainsi il suggère, que nous devons encourager et gratifier non seulement la performance compétitive individuelle, mais également la résolution des problèmes collectivement ainsi que la solidarité à l’intérieur du groupe ou de la communauté impliquée dans l’apprentissage (voir Klafki, 2007, 76).

Néanmoins, au-delà de ces enjeux politiques, Klafki valorise le principe de la versatilité, reconnaissant que la Bildung de l’être humain doit être complète et ainsi il prend en compte explicitement les dangers que constituent “la rigidité, la perspective restrictive et le manque d’ouverture.” Il reconnait aussi, les “tensions, pressions et exigences de caractère intellectuel, émotionnel et politico-morales” résultant éventuellement de l’admission de la domination du problème-clé de l’époque sur le programme éducatif. En conséquence, il est important de valoriser le caractère “multidimensionnel dans l’activité et la réceptivité humaines comme objectif,” en appréciant et en stimulant le “développement des […] capacités cognitives, émotionnelles, esthétiques, sociales et technico-pratiques aussi bien que […] les possibilités d’orienter la vie individuelle de quelqu’un selon des convictions morales et/ ou religieuses individuellement choisies” (Klafki, 2007, 69).

Cet attachement à la versatilité et à la complétude est ce qui lie la didactique au programme éducatif traditionnel, et Klafki souligne l’importance de tous les aspects de la réalité humaine qui sont enseignés à l’école, c’est-à-dire les mathématiques, les sciences aussi bien que les théories préscientifiques et non-scientifiques connectés à la réalité à travers l’observation, l’interprétation, la participation et la création, l’apprentissage de la biologie, la géographie et l’histoire, les jeux, la pratique des sports et de la cuisine, la découverte et la pratique des langues, la musique, le théâtre, les arts, la littérature, en étant confronté à la fois à la culture élitiste classique et à la culture populaire contemporaine, aussi bien en introduisant la réflexion philosophique sur tout cela et en particulier ce qui concerne les questions existentielles et politiques. La didactique de Klafki vise ainsi à ce que l’éducation s’ouvre au monde de la manière la plus complète.

A l’évidence la question est de savoir ce qui vaut la peine d’être enseigné. Klafki soulève le problème dans une étude antérieure. Par conséquent ce qui est fondamental dans l’instruction est de savoir comment faire une sélection appropriée parmi la richesse débordante de sujets, à l’intérieur des disciplines aussi bien qu’entre les disciplines elles-mêmes, c’est-à-dire comment choisir à la fois ce qu’il est vraiment important d’enseigner et comment l’enseigner, et dans les deux cas en respectant les limites de l’espace et du temps qui lui sont octroyés. Pour Klafki, ce dualisme est plus ou moins équivalent à la distinction entre didactique et méthodologie (voir Klafki, 1972, 25), mais curieusement certaines des réponses à ce défi fondamental recouvrent les deux aspects de la question, c’est-à-dire à la fois le contenu et la forme.

C’est pourquoi, en abordant la didactique dans la perspective de la Bildung, Klafki utilise comme mots clés principaux ‘l’exemplarité’ dans l’enseignement et l’apprentissage et le caractère fécond de l‘élémentaire’ (primaire) (voir Klafki, 1972, 26). Un critère de sélection des matières d’enseignement doit être qu’elles soient au “sommet de la culture” (Klafki, 1972, 28) et ainsi que leur richesse culturelle rende attrayante pour l’élève leur “véritable assimilation”  (Klafki, 1972, 29). Une importance particulière doit être donnée aux œuvres classiques qui “reflètent l’idéal de la conscience de soi d’un peuple, d’une culture, d’un cercle d’êtres humains, d’un être de la Bildung ; car les honneurs classiques préservent et transmettent les fondations et les idéaux d’une vie culturelle supérieure” (Klafki, 1972, 30).

Selon Klafki, la didactique moderne de l’exemplarité, de l’élémentarité, du typique, du représentatif etc. pourrait être considérée comme la variation des théories de la Bildung antérieures valorisant le classique (voir Klafki, 1972, 30-31). C’est pourquoi ce type de didactique pourrait se réclamer d’être elle-même classique. Le seul problème de l’usage de cette idée d’enseignement didactique et de la sélection des sujets est qu’elle ne permette pas de reconnaitre facilement l’importance des nouveaux phénomènes que l’éducation doit relater, comme par exemple la démocratie à grande échelle, les technologies de pointe, les gens d’autres pays etc. (voir Klafki, 1972, 33). Pour cette raison Klafki développe l’idée de ‘problèmes-clé de l’époque’.

Cependant Klafki reconnait aussi une autre forme de didactique axée sur la Bildung. Celle-ci insiste aussi sur la stimulation et le développement des capacités, mais repose moins sur un contenu spécifique. Dans ce type de didactique le seul critère est le pouvoir de stimuler les capacités de “l’observation, de la pensée, du jugement, de l’influence de l’esthétique, des valeurs morales, de l’épanouissement personnel etc.” (Klafki, 1972, 33).  Hormis cette approche plutôt fonctionnelle de la Bildung il y a des variations méthodologiques et l’idée est que la didactique contient un éventail d’approches formelles, instrumentales et méthodologiques qui peuvent être utilisées pour enseigner n’importe quel sujet. L’important étant seulement que l’enseignement réussisse à transmettre le message et qu’il stimule une activité de concentration dans l’apprentissage.

Dans les deux cas pourtant, la didactique de Klafki encourage l’enseignement à mobiliser toutes les capacités en s’efforçant d’atteindre le meilleur quel qu’il soit. L’excellence per se est ainsi considérée comme le but ultime. Cela s’applique à la fois à l’enseignement et aux sujets de l’enseignement : aux enseignants et aux élèves ou étudiants. Ils doivent tous être stimulés pour accomplir le meilleur de ce qu’ils peuvent faire, que ce soit pour narrer, spéculer, faire de la menuiserie, s’essayer à la dégustation ou parier. La Bildung dans ce sens didactique se réfère non seulement à la culture classique ou aux problèmes urgents, mais à l’épanouissement individuel humain à travers l’éducation, ou bien même plus étroitement à travers l’apprentissage ou l’exercice. Compris de façon isolée, cela pose indéniablement le problème de savoir comment faire avec ceux qui ambitionnent de réussir dans des disciplines préjudiciables. Or pour Klafki dans l’enseignement, le contenu et les méthodes ne doivent pas être séparés catégoriquement. L’excellence est acquise seulement lorsqu’on excelle dans les deux.

  1. POUR UNE RECONNAISSANCE DE LA VALEUR DE L’ETRE HUMAIN APOLITIQUE POUR LA DEMOCRATIE

L’idée humaniste de l’excellence humaine et de son exemplarité constitue une doctrine générale et non une doctrine politique, la Bildung étant valorisée indépendamment de la démocratie et de l’éducation citoyenne, parce qu’elle signifie l’évolution de l’être humain per se. En revanche, je suggérerais que nous devons peut-être accepter une vision élargie de la politique et de la démocratie, et ainsi inclure également dans la politique et la démocratie des aspects de la vie humaine qui sont le plus communément valorisés en rapport avec la religion, la morale, les arts et les humanités, l’esthétique ou la poétique, l’artisanat, les loisirs, le sport ou les loisirs en générale[3].

En offrant une éducation aux citoyens présents et futurs dans une perspective aussi large, la politique au sens étroit est simplement un sujet parmi d’autres, qui, en principe et en temps normal, peut être négligé. Par conséquent, nous pouvons dire que la bonne société démocratique produit une cohésion suffisante pour assurer la liberté sociale, juridique et donc politique de tous ses citoyens. Dans une société aussi privilégiée, certains peuvent choisir de s’impliquer activement en politique en participant à divers courants de communication, tandis que d’autres sont libres de valoriser et de s’impliquer dans d’autres champs des pratiques humaines, les derniers faisant confiance aux premiers pour s’occuper de la politique au sens strict. Alors que ces derniers ne se soulèvent pas souvent pour leurs libertés et leurs droits, ils profitent de l’action des premiers et de l’institutionnalisation des droits et devoirs des citoyens. Comme je l’ai rappelé, c’est une société que quelqu’un comme le socialiste auto-proclamé (voir p.ex. Guisán, 1992, 484), John Stuart Mill appelle de ses vœux, car elle permet la plupart du temps d’ignorer l’État, en favorisant l’épanouissement de l’être humain dans la société civile. A l’opposé d’Aristote, pour le libéral Mill, les êtres humains ne sont pas par essence des animaux politiques, mais plutôt des animaux sociaux ou sociétaux.

Ce type de libéralisme insiste sur la valeur et les droits de chaque être humain individuel, qui est en même temps un être raisonnable et un être de goût, de création, de travail, de fantaisie, d’intérêts, de désirs, de curiosité etc. Le fait est qu’élargir la politique en incluant tous ces aspects sociaux et culturels pourrait être en effet la meilleure façon d’assurer une démocratie politique stable. Les structures gouvernementales existent que cela nous plaise ou non, et la meilleure façon d’assurer leur légitimité est une démocratie sociale délibérative qui reconnait que la politique est un compromis permanent entre l’anarchie et la monarchie, à savoir : un processus mixte qui incarne la politique dans un sens très large. Comme on le sait très bien, Aristote identifie également la politeia comme telle avec quelque chose de mixte plutôt qu’avec quelque chose de pure, bien qu’il parle de la constitution (voir Aristote, 1984/1995, Pol. 1289, 1295-96).

L’anarchisme comme doctrine signifie l’affirmation du droit à la liberté de chaque être humain, que ce soit au sens politique, artistique, spirituel ou autre (voir p.ex. Jun, 2017), et cette affirmation est une bonne assurance contre les institutions sociétales qui deviennent autoritaires ou totalitaires. Plus encore, en valorisant de la sorte chaque être humain individuel per se, cela pourrait attirer les gens de divers bords politiques, sociaux et culturels et ainsi être perçu comme une invitation au dialogue ou à la discussion avec son prochain, ce qui pourrait renforcer la démocratie politique et la citoyenneté. Et même si, comme je l’ai développé ailleurs (voir Sørensen, 2014), il existe un vrai conflit conceptuel entre la démocratie et le libéralisme, je pense encore que la démocratie sociale républicaine et l’éducation citoyenne pourraient bénéficier de cet aspect libéral authentique du libéralisme.

CONCLUSION: LA BILDUNG CULTURELLE COMME BENEFICE POUR L’EDUCATION CITOYENNE

Naturellement la société nécessite de la solidarité sociale et cette légitimité fondamentale de la solidarité se trouve selon Habermas dans la communication, même s’il s’agit de la communication dans un sens très restreint notamment comme argument discursif. Au-delà de la communication discursive, je voudrais mettre l’accent sur les dialogues informels, les chats, les conversations et les récits aussi bien que les interactions symboliques et corporelles, les expressions et démonstrations artistiques des artisanats et des savoir-faire, les communications affectives et encore d’autres manières d’interagir. Etonnamment, on trouve une inspiration pour cette ambition chez Habermas dans la Théorie de l’agir communicationnel (Theorie des kommunikativen Handelns, 1981), même implicitement. Dans ce texte, il se réfère à un autre socialiste auto-proclamé, Durkheim, pour défendre la valeur et la légitimité de la puissance communicative. Cependant, et comme je l’ai défendu il y a longtemps, Habermas ignore ce que Durkheim défend réellement et notamment que ce sont l’interaction et la communication matérielle, plutôt que le simple discours sémantique, qui constituent les valeurs sociales et leur légitimité (voir Habermas, 1988, vol. 2, 74, 85, 118; voir aussi Sørensen, 2012a, 253-57). Pour Durkheim, la république socialiste est ainsi construite sur les valeurs créées par la communication intense dans un sens très large.

Actuellement, nous avons besoin d’avoir une telle éducation citoyenne démocratique qui puisse être perçue comme attractive et légitime à travers les ruptures culturelles, sociales et politiques, et ainsi éventuellement surmonter l’aliénation produite par le capitalisme et la scène politique actuelle. Comme je le défends dans un travail en cours de réalisation, l’aliénation dans ce sens est bien entendu réelle, mais nous devons concevoir qu’elle puisse être surmontée (voir Sørensen, 2021, à paraître). Plus encore, certains parmi nous aimeraient avoir la justice socialiste accomplie de suite, mais nous devons être patient, obligé d’affirmer ce que nous avons déjà réalisé, à savoir: une société réelle, avec de vrais gens, qui durant des générations ont été blessés, traumatisés et assujettis à l’aliénation et à la fausse conscience à cause du capitalisme, du chauvinisme et du militarisme.  C’est pour eux – pour nous – que nous réclamons la justice, et afin de faire une transition pacifique vers le meilleur monde possible, ils – c’est-à-dire nous – devons trouver une éducation citoyenne démocratique attrayante et qui vaille la peine. De plus, en reconnaissant ce que nous pouvons rationnellement dire des êtres humains réels, l’attractivité et la légitimité doivent être perceptibles à la fois comme désir et raison et à travers les différences concernant l’éducation, l’âge, la nationalité, la classe, la religion etc.

Donc, essayons de nous rencontrer les uns et les autres avec de la joie et un intérêt mutuel, faisons la fête, organisons des festivals, jouons, racontons des histoires, soit simplement pour se divertir, soit d’un point de vue morale. Ce projet d’une éducation citoyenne réciproque est inspiré par l’idée de Durkheim de la création de valeur collective. Le fait d’être ensemble et de se réjouir de la compagnie des autres en se livrant à une collectivité commune per se, crée une intensité, une atmosphère, et dans la bonne humeur, nous constituons des valeurs supra-individuelles communes qui trouvent leurs forces normatives à travers leurs affinités et attractivités quand la fête est finie (voir Durkheim, 1996; voir aussi Sørensen, 2002 et 2012a, 250-52). C’est ce qui explique, et en même temps bâtit, la valeur de la culture, de l’amitié, de l’identité, de la moralité et en général à long terme un engagement durable et normatif. Mais toutes les valeurs ne sont pas de la même valeur. Le défi consiste bien entendu à trouver comment assurer des conditions favorables pour ces valeurs spécifiques dont on peut attendre qu’elles fassent perdurer la justice sociale et politique de même que l’épanouissement humain individuel. L’éducation citoyenne doit contribuer à cette mission s’appuyant sur les vertus humaines et civiques qui sont déjà incarnées en nous et en nos voisins.

Pour être un peu plus précis quant à ce que pourrait être le contenu d’une éducation citoyenne attractive et d’une république sociale démocratique, l’humanisme critique constructif de Klafki propose la notion importante de Bildung qui reflète l’idée exhaustive de la nature humaine institutionnalisée dans l’instruction publique. Il est généralement admis qu’un programme éducatif se doit d’être complet en permettant aux divers talents et goûts de faire des expériences constructives, des rencontres réussies avec divers aspects de la réalité humaine et ainsi ouvrir de multiples mondes aux différents élèves et étudiants.

Le programme éducatif dans l’éducation citoyenne démocratique doit accepter le démos tel qu’il est, à savoir : le pluralisme et la diversité tels qu’ils sont réellement, encourageant principalement le développement de langages communs entre les gens afin qu’ils puissent communiquer et interagir. L’éducation citoyenne doit inclure la présentation réciproque de l’histoire et des traditions en incluant la cuisine, le sport, la politique, les loisirs etc. représentatifs non seulement des étudiants et des enseignants impliqués dans une éducation particulière, mais aussi des cultures représentées dans les environnements locaux. Dans ce contexte, les classes sociales, les types d’activités et les lieux de travail devraient être considérés de la même façon de sorte qu’ils représentent ce qui pourrait être caractéristique des différents groupes dans la société, qu’ils soient définis par la région, la culture, la profession ou d’autres choses. L’idée consiste à ouvrir le monde de l’être humain dans sa richesse et sa splendeur, d’inviter les citoyens à œuvrer individuellement pour la meilleure expression de leurs intérêts ou leurs talents quels qu’ils soient, que ce soit en sciences, dans le sport, en cuisine, dans les récits ou dans les jeux. Nous devons avoir des festivals citoyens reconnaissant comme communication le fait de jouer de la musique, de danser et de chanter, aussi bien que d’autre types d’expression artistique et culturelle.

Le fait de croire que l’état de droit social démocratique permet l’épanouissement individuel apporte à la démocratie de la légitimité et de la cohésion. Nous devons démontrer que, dans la véritable démocratie sociale, chaque être humain compte non pas juste formellement en qualité de citoyen qui vote ou qui est respecté par la loi, lorsque chacun compte pour un, mais de façon très substantielle. Chaque citoyen doit pouvoir être reconnu pour toutes ses qualités humaines, c’est-à-dire comme personne à part entière, comme un être humain avec des droits inaliénables, qui est irremplaçable et qui a une valeur inconditionnelle. Le fondement de cela est démontré dans toutes les cultures par le respect que nous manifestons pour les naissances, les mariages et les funérailles. La démocratie doit aller beaucoup plus loin en démontrant que la vie de chaque être humain doit être valorisée, reconnue et célébrée. Les différences doivent être appréciées ; plus on est de fous, plus on rit (the more, the merrier). C’est pourquoi, l’éducation citoyenne doit donc faire son possible pour être inclusive, à savoir : ne pas exclure les gens de prima facie parce qu’ils portent des signes identitaires tels que les signes religieux.[4] Pour ces raisons, la démocratie sociale et l’état de droit sont importants, et la meilleure façon de défendre cela est de montrer que même les démocraties sociales existantes et non-idéales sont des systèmes politiques qui jusqu’à présent ont été les meilleures pour concilier l’éventail et la profondeur de l’humanité.

La conclusion paradoxale, ou bien dialectique, est que l’éducation citoyenne démocratique pourrait, en effet, être plus efficace lorsqu’elle s’occupe de la culture  et moins directement de la loi et de la politique, au sens étroit du terme. Afin d’être perçue à la fois comme attractive et comme légitime, l’éducation citoyenne doit présenter la diversité culturelle d’une société particulière et ainsi encourager les pratiques courantes et les interactions qui stimulent l’intégration politique, sociale et culturelle. Avec un tel programme, la citoyenneté pourrait prospérer par elle-même et contribuer à accroitre l’épanouissement humain dans la société en devenant ainsi attractive et légitime.

(Traduction de l’anglais, Neli Dobreva)

 

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NOTES

[1] Il est intéressant de souligner qu’à l’évidence, l’œuvre de Klafki n’est pas allée au-delà des pays germanophones et du Danemark (voir Meyer & Meyer, 2017, 201). En effet, nulle part ailleurs, Klafki n’a reçu une réception aussi soutenue qu’au Danemark (voir Meyer & Meyer, 2017, 191).

[2] Pour un débat récent et intéressant au sujet de l’exemplarité voir (Nielsen, 2019)

[3] Sur le potentiel politique de l’éducation esthétique voir (Svanøe, 2019)

[4] Pour un débat attentif et mesuré de cette question, voir (Gamper, 2016)

Ingerid S. Straume (ed.), Danningens filosofihistorie (Oslo: Gyldendal Akademisk, 2013)

Bildung is not easily defined; it may even be among our most evasive and complex philosophical terms, both because of its inescapable historicity and cultural contingency, but also due to the scope of its conceptual relevance. We could say that it designates the process of ‘civilization’ or ‘humanization,’ of becoming a human being, and therefore encompasses pedagogy, education and maturation without being reducible to any of these. Hans-Georg Gadamer, for instance, understands Bildung as an ‘aesthetic’ process in which the individual acquires a profound ‘sense’ (Sinn) for one’s social and ethical environment by nurturing such qualities as taste, judgment, and tact that tend to be all but ignored in Western discourse on the grounds of their ostensible lack of ‘objectivity.’ Others take different approaches and have different foci while they may still be dealing with Bildung.

As Straume explains in her informative and accessible introduction, the philosophy of Bildung has had considerable and lasting impact on the education systems and ideals in Norway, Denmark and Sweden. In contrast to Germany, where it gradually came to be associated with a certain elite, and later may even have degenerated into a superficial and uncritical ‘snobbery’ that was eventually incapable of resisting the takeover of political extremes, the Scandinavian version revolved around universal ‘folkedanning’ or ‘public education’ and was closely associated with the ideals of a democratic society. It is well worth asking whether the emergence of these peaceful, prosperous welfare societies may owe more to the specific development of the Bildung philosophy than usually held, and, alas, whether we may currently be witnessing the erosion of its ideals by narrower and more self-centered values and considerations in the political, social and not least economic arenas. At least it can be stated with certainty that if Bildung ever had any impact in Iceland, arguably a part of cultural Scandinavia, that impact seems all but lost in the present.

Straume explains that there is no English word for Bildung (danning). While this is for the most part correct, the word ‘edification,’ used for instance by Richard Rorty, may by now have become an adequate designator. But the historical lack of a clearly equivalent term in English – or French, or in most other languages for that matter, including Icelandic – has the consequence that a selection of topics and thinkers that are to constitute the ‘history of the philosophy of Bildung’ is subject to debate. From one point of view, Bildung refers to the particular tradition of thought that began with Herder and Wilhelm von Humboldt and was further developed in German idealism by Hegel and the hermeneutical and phenomenological disciplines. From another, however, many of the implications involved in the concept of Bildung are present in most if not all streams of thought dealing with pedagogy and the philosophy of education. The volume under review is undeniably, and perhaps inescapably, strained by this ambivalence. For those leaning to the former understanding of Bildung, the selection of thinkers and periods may appear too broad and some sections somewhat out of place. And those leaning to the second may find that other topics should have been covered. Be that as it may, putting together a volume on this important and fascinating topic will always be a complex and formidable task which is certain not to satisfy all readers. In the opinion of this reviewer, however, the selection has been largely successful. By introducing various ways of thinking in history that could be subsumed under a philosophy of Bildung, the volume is intended first and foremost as a textbook for teaching, but should also be of value to the general reader who seeks to gain an overview. The editor further deserves credit for including sections on non-Western approaches such as Confucianism and Islam, thus introducing to Western readers divergent approaches that ought to be able to stimulate fresh views on what it means to be an educated, civilized or ‘gebildet’ human being.

Most sections are well composed, organized and lucid. They are written in altogether three different languages, Norwegian Bokmål, Norwegian Nynorsk and Danish, which, however, should present no obstacles to readers of the Scandinavian languages. The editor has made a surprisingly successful effort to ensure that the length of each section is more or less the same, around 10-12 pages, which makes the book ideal for teaching. Due to the brevity of the sections, however, they are necessarily condensed, and will lend themselves to being picked at for their omissions. The following are some brief suggestions that could serve to improve later editions of the book.

The section on Confucianism is clear, informative and surprisingly comprehensive, but seems to rely excessively on an Aristotelian ‘virtue ethics’ reading of Confucianism in its rather artificially (or Occidentally) systematic presentation of the Confucian ‘virtues’ (de). It is regrettable that it leaves out the demands on the individual practitioner of self-cultivation to come up with creative responses to new social circumstances, especially in the practice of li. For it is precisely these that most prominently constitute the self-reflective aspect of the Bildung-process in the Confucian view of education. Furthermore, considering the inclusion of Confucianism in the volume, one may wonder whether other Asian approaches, say, for instance, the Buddhist self-cultivational quest for eliminating ignorance (avidya), should not deserve to be included as well.

While Kant’s epistemology and ethics are certainly important for an understanding of his overall project, it would have been useful to consider as well his attempts to systematize his entire philosophy in a comprehensive whole from a Bildung-perspective. These are evident in the latter half of his Critique of Pure Reason as well as in his discussions of pedagogy, history and Enlightenment. The author certainly makes reference to some of these, but perhaps they should have been pulled more to the forefront. As a point of comparison, the author of the section on John Rawls does well to explicate the all-too often ignored second part of his A Theory of Justice, which is revelatory for the ultimate purpose of his well-known but not always well-appreciated concepts of ‘original position’ and ‘veil of ignorance’. In a similar fashion, the elements of Kant’s elaborate philosophy can similarly be made more meaningful by contextualizing them within his philosophical framework – or architechtonic – from the perspective of Bildung. It is readily admitted, however, that composing such a synthesizing account in 10-12 pages is easier said than done.

The section on Hegel would have profited from a somewhat more elaborate discussion of his specific understanding of ‘experience’ (Erfahrung). It had considerable influence on Bildung-thinkers such as Dilthey, Dewey, Gadamer and Habermas, and is, as a matter of fact, treated in some detail in the section on Habermas. Experience for Hegel is really a formative kind of experience. The subject’s transformation to self-reflection, its ‘reversal of consciousness,’ when exposed to objects of the world and other subjects is a vital factor in enabling and initiating the Bildung-process. A more striking omission, however, is the notion of ‘growth’ in the section on John Dewey, while it receives some discussion in the one on Rorty. In Dewey’s terms, growth could be said to be the outcome of the civilizing process. But the aim of growth is simply more growth. It enables the individual in question to continuously expand on his or her experience and apprehension of the world and make it more sophisticated and open to other and novel experiences. Dewey’s notion of growth makes it all the more easy to appreciate his visions of a civilizing process towards the necessarily non-specified aim of a flourishing humanity.

But all this is nitpicking for the sake of academic discourse and primarily intended to be enriching. The editor and contributors should be commended for a bold but successful project that should serve to keep alive a certain family of ideas belonging to humanity’s most ambitious and lofty, yet realizable, ideals. Their survival can only depend on accessible publications such as this one, and, of course, on those of us who make use of them.

The Wider Impacts of Universities: Habermas on Learning Processes and Universities

  

It should seem obvious from a European point of view that higher education and research fits tightly together institutionalized in the age old university institutions. It has, however, been observed that research on higher education and research on the research functions of universities are strangely unrelated in the literature.[1] Apart from this separation there can be distinguished between two mayor outcome debates on higher education and universities. [2] The debates on outcomes are firstly the debates on the ends of higher education for the individual and secondly the wider societal benefits of both research and higher education.

 

Considering the outcomes for the individual the discourse of reform in higher education tends to focus narrowly on employability and the relationship between higher education and the labor market. Considering the wider outcomes of research the dominant discourse is that the end of all knowledge production is that of innovation that privileges technology and applicative fixes of social kinds. Both aspects of the benefits of universities are thus viewed in strictly economic terms – often related to a functionalist interpretation of both the demands of the knowledge economy (not the knowledge society) and of the “outcomes” of higher education and university research. According to many scholars, including Habermas, the functionalist interpretation has proved hard to overcome especially in the field of research in higher education. Since Talcot Parsons and Charles C. Platt wrote their seminal work on the American university functionalist views of higher education has prevailed both in the literature but also in the self-understanding of many university leaders.[3]

 

The concern of this paper is therefore threefold. Firstly the critique by Habermas of the prevailing functionalism in the view of higher education and research will be outlined. Secondly a brief discussion on the outcomes of research will, thirdly, lead to a discussion of the contributions on both the individual level of higher education as well as the wider societal outcomes. It is the argument here that the two last discussions cannot be taken separately but that they meet in concepts like the public sphere, civil society, citizenship, empowerment, emancipation and wellbeing. It is also the aim here to overarch the current dichotomies of either/or in the discussions on university reform. It is obvious that higher education and research also contribute to the knowledge economy but the argument in this paper is that this role is only one out of multiple social and cultural roles. Instead – this is a discussion on balances.

 

Habermas – the critique of functionalism

 

Habermas fights on two fronts in his critique of university reform and reformers.[4] One front consists of the “mandarins” of a conservative outlook that defend the classical idea of a unifying “idea of a university.” As enemies of modernity these reformers seem to cling to outdated views of both society and institutions. This leads Habermas to adhere to some of the functionalist views – in a word he agrees to differentiation as against unity. But he certainly does not agree with the full-blown functionalism that considers both higher education and research as governed by norm free symbolic media in the vein of Niklas Luhmann.

 

Firstly on the front against conservative reformers like Karl Jaspers and Helmut Schelsky Habermas raises a critique of the idea of a university as a unifying force, which he considers to be based on an idealistic sociology. The university is NOT exemplary of a life form that shall permeate society as a whole. “Organizations no longer embody ideas. Those who would bind organizations to ideas must restrict their operative range to the comparatively narrow horizon of the life world intersubjectively shared by its members.” Adhering to the ideals of Humboldt thus “belongs to those purely defensive minds whose cultural criticism is rooted in hostility to all forms of modernization.”[5] He equates this stand with that of a “mandarin ideology” of the learned classes, a concept coined by the sociologist of education Fritz Ringer.[6]

 

As to counter this out-dated view the university is initially called a “functionally specific subsystem of a highly differentiated society” and Habermas states “The functional capability of such institutions depends precisely on a detachment of their members motivations from the goals and functions of the organization.” He even states that a functionalist interpretation presents itself as promising:

“A more distanced perspective derived from international comparisons thus yields a picture which practically compels one to adopt a functionalist interpretation.”[7]

 

Habermas critique of systems theory is well known. The problem he sees in connection to higher education is that systems theory presupposes that all modernized parts of society must take the form of a norm free subsystem of communication and that it a priori supposes that this covers all areas of societal action. This Habermas calls the “system-theoretical overgeneralization.” “The universities (have) by no means out grown the horizon of the life world in the style of, for example capitalist corporations or international agencies.”[8]

 

In Habermas’ terms a functionalist view entails a perspective where “the universities present themselves as part of a system requiring less and less normative integration in the heads of professors and students the more it becomes regulated by systemic mechanisms with disciplinary production of technically useful information and job qualifications directed at the environments of the economy and the planning administrative bureaucracy”[9]

 

It is not difficult to see the current discourses on higher education in this quote, in spite of a distance of a quarter of a century. Habermas’ general critique of functionalist sociology is therefore all the more relevant to apply to the present day discussions. Habermas’ insistence on a differentiation between instrumental and communicative action in his interpretation of society as a whole does also find its way into his views of the university. The distinction between life world and system that is basic to his view of society at large is also found within this institution: “Processes of differentiation which have accelerated over the last two decades need not be brought under a single system theoretical description leading to the conclusion that the universities have now completely outgrown the horizon of the life world.”[10]

 

Hereby Habermas, in my view, delivers a more ecological view of a balance to be found also in university and higher education reform. The view is dismantling the idea of an unproblematic unity of all activities in the university, but is holding on to a view of a multiplicity of interplay between different aspects of the institutional life forms of a modern university.

 

Before we consider these differentiated aspects of first research and then higher education this part of the paper should state the interesting affinity between traditionalists and functionalists that make Habermas’ two frontal attack feasible. In Habermas critique the functionalism is equated with a neoconservative viewpoint that “only uses traditions as a compensation for the easier flow of information streams between research and the economic-military-administrative complex.”[11] The compensation thesis is thereby seen as a neoconservative strategy to accept modernity as long as this modernity stays in the realm of productive and administrative life, and does not interfere with a compensatory traditionalism of life forms outside this realm.[12]

 

Habermas on wider outcomes of the research function of universities

 

Habermas sees the university as the home of research. He does consider the challenges towards this from what now often is termed Mode II knowledge production,[13] but asks polemically if these forms of research will not always be “parasitical.”[14] So research is depending on the specific life forms of the university: “Scientific productivity might well depend upon the university’s form, in particular upon that differentiated complex interplay of research with the training of future students’ preparation for academic careers, the participation in general education, cultural self-understanding and public opinion formation.”[15] He even acknowledges the idea of the university as a norm to govern this life world: “The universities are still rooted in the life world, through this interpenetration of functions. So long as this connection is not completely torn asunder, the idea of the university is still not wholly dead. But the complexity and internal differentiation of this connection shouldn’t be underestimated.”[16]

 

Before we consider the implications of this complex interplay between research and wider impacts on society let us look to his discussion on research and science (Wissenschaft).

 

Fistly the idealism of the Humboltian model suggests the “unity of the sciences.” And secondly the Humboldtian model suggests “an oversimplified connection between scientific learning processes and the life forms of modern societies.”[17]

 

Habermas sees in both these statements a need for differentiation. The unity of sciences needs differentiation because of the internal differentiation between philosophy and the empirical sciences that has proceeded since the middle of the nineteenth century. The connection between science and the life forms of modern society must be differentiated. Because of a “plurality of powers of faith (Glaubensmächten) philosophy lost its monopoly on the interpretation of the cultural whole.”[18] Secondly this unity must be differentiated because science grew into a productive force of industrial society. Especially the natural sciences have been ascribed a technical function as against a world view producer.

 

But science is still an activity of the life world as it is organized as a communicative activity, which was already the view of Schleiermacher. With direct address against Luhmann, Habermas states: “because the activity of cooperative truth-seeking points to a public argumentation, truth – or let alone the reputation among the community of investigators – can never become a control medium for a self-regulating subsystem.”

 

These very brief points on research points to the fact that Habermas defends the normative aspirations of a life world of scholars. Faced with developments of neoliberal new public management these considerations become highly relevant. These reforms are exactly directed towards “control media” of a “self-regulating” subsystem of research such as bibliometrics and citation counting.[19] But let us leave the discussion on research seen in its own right to a view of the wider societal impacts of research and higher education.

 

The crucial argument is the interconnectedness of research and educational processes – that in spite of the differentiation processes of modern society are still valid.

 

 

Habermas on the wider impacts of universities

 

To sum up Habermas sees institutionalized in universities an interplay of research with:

 

  1. 1)Training of future students preparation for academic careers (Nachwuchs)
  2. 2)Participation in general education (Allgemeinbildung)
  3. 3)Cultural self-understanding
  4. 4)Public opinion formation

 

What are then the appropriate understandings of these connections?

 

The Humboldtian idea of a university pointed to three wider impacts of research, in idealist terms coined as “unities”: The unity of science and teaching, the unity of science and general education and the unity of science with enlightenment and emancipation. As stated above Habermas sees a need for differentiation of these unities in view of the modern development.

 

Firstly the unity of science and teaching needs differentiation because of a differentiated labour market that demands highly skilled employees.

 

Secondly the unity of science with general education needs differentiation because the institutional structure was built on specialized bureaucratic functions rather than on general education.

 

Thirdly the unity of science with enlightenment and emancipation needs differentiation because of the social differentiation between academically trained elites and popular education. This means that the general enlightenment and emancipatory claims of the classical idea of the university in Germany were not met.

 

However, Habermas can now positively list the functions of the university thus: “The university learning processes do not simply stand in an inner connection to the reproductive functions of the life world. Going beyond mere academic career preparation, they contribute to general socialization processes by introducing students to the mode of scientific thinking, i.e. to the adoption of a hypothetical attitude vi-á-vis facts and norms. Going beyond the acquisition of expert knowledge, they contribute to intellectual enlightenment by offering informed interpretations and diagnoses of contemporary events, and by taking concrete political stands. Going beyond mere reflection on methodology and basic theory, they contribute to the self-understanding of the sciences within the whole of culture by supplying theories of science, morality, art and literature.”[20]

 

As a broad impact on culture Habermas sees the university to have contributed to the development of the freedom and differentiation of research disciplines, and benefitted society with a certain “utopian” ideal of universalistic and individualistic values that has upheld a critical potential. This is seen as a specific trait of the occidental development, but also writers on higher education like Björn Wittrock states universalism and cosmopolitan viewpoints to be typical in the development of universities.[21] This leads to the following conclusion:

“The egalitarian and universalistic content of their forms of argumentation expresses only the norms of scientific discourse, not those of society as a whole. But they share in a pronounced way that communicative rationality, the forms of which modern societies (which are without Leitbilds from the past) must employ to understand themselves.”[22]

 

A brief turn to Habermas’ theory of communicative action will maybe enlighten these conclusions.[23] In this book Habermas differentiates between three processes of reproduction in the life world: cultural reproduction, social integration and socialization. He states these in relation to culture, society and personality.

 

Habermas mentions (at least) two concepts concerning the reproduction of the life world highly relevant to this discussion which are 1) the reproduction of valid knowledge (which not least takes place in the universities) 2) the reproduction of personal socialization patterns and educational goals for the individual (which are parts of education as a whole). These can be disturbed which results in 1) loss of meaning and 2) crisis in orientation and education.

 

Below this discussion will focus mainly on the second point. How can Habermas theory be applied to the discussion on the outcomes of higher education for the individual to counter a crisis in orientation and education?

 

Habermas related to current issues in the debate on higher education

 

Looking at the part of the debate on wider outcomes of higher education for the individual the knowledge economy discourse tends to focus on employability, a term that stands central in the Bologna process of the integration of higher education markets in Europe. However, this discourse is by no means specifically European but is global.

 

The employability discourse is highly market oriented and suggests a one to one fit of transferable skills from the learning situation to the job situation. The discourse is connected to a view of the individual that is reduced to the concept of the effective or competent person – or a highly instrumental view.[24] The construction of the effective person stands in contrast to the reproduction of personality as a life world construction now (maybe) to be found in the literature on empowerment, citizenship and capabilities – and in Habermas. The concepts of skills or competencies are understood as performative and system related whereas early modern German concepts of Bildung and Mündigkeit are what I call personality and life world related with a parallel to ideas of liberal education in the Anglo-Saxon world.

 

The competing concepts are indicative of views of the self. Gerard Delanty in his book on citizenship addresses the question of the person, or the self, in this way:

 

“Modernity was a discourse of the emancipation of the self, but the question of the other is being asked only now. The problem with self-determination in postmodern times is that there is no single self but a plurality of selves. In this move beyond the contours of the modern age we have to ask the question of the responsibility of the self for the other. The rethinking of democracy – which is a discourse of self-determination – that this entails will force us to re-establish a link with citizenship – where self and other find a point of reconciliation.”[25]

 

I share with Delanty the view that a concern for the self as responsible should still, or again, be relevant in present discussions on citizenship and education. Not only postmodern writers but also the now dominant concepts of learning and transferable skills exclude personhood. This implies an amoral idea of the effective and performative individual. Can competencies and skills be other that means? Can skills be ends? Who decides the ends in a world of only means? My reading of this discourse tends to point to the direction of a crudely functionalist notion of usefulness of the individual. When all education is regarded only as learning towards transfer of skills into workplace competencies the reduction is full blown. A maybe too optimistic reading of this dilemma would be that the self (situated in higher education) takes care of itself – sometimes in spite of pressures of economic or systemic performance. But this does not, in my view, exclude the responsibility of educators and leaders of educational institutions to choose a balance between instrumentality and life world concerns.

 

In the continental debate on the university an oppositional concept to employability is the mentioned concept of Bildung. The concept implies in its neo humanistic version the coming into being of a whole person through activities of scholarly and creative pursuits. It has highly normative connotations as both the goal of and the process of education or life-experience. Habermas critique indicates that Bildung builds on an exaggerated subject philosophical inheritance. But what is Habermas view of the learning subject? And how can we relate his thoughts on higher learning to civil society? Habermas himself in The structural transformation of the public sphere cites numerous connections between Bildung and the creation of a public sphere in early modern Europe. These historical examples both suggest what in the German debate is called the traditional marriage between education and money (Bildung und Besitz), but also points to the creation of a politically respected public sphere being a result of literacy, journal writing and thus education. The book is certainly split in viewing bourgeois culture and education as progressive and emancipatory forces or as simply reproducing class distinctions.[26]

 

Concluding words

 

I would suggest that we are now facing a crisis both in the reproduction of meaning, in educational goals and the reproduction of personality as Habermas theory suggests possible. Performative expectations to all knowledge production inhibit the reproduction of valid cultural knowledge. Goals of employability dominate any educational pursuit and the construction of the effective person stands in contrast to the balanced view of the personality as a construction now to be found in the literature on empowerment and citizenship. The concepts of skills or competencies are understood as performative and system related whereas concepts of Bildung and Mündigkeit capture a more balanced view of the relations between the individual and society. These questions need further clarification, but Habermas’ diagnosis can be a path to this investigation.

 

Concepts of learning and transferable skills distort reproductive processes of the life world. They imply an amoral idea of the effective and performative individual. Social skills are present in the debate on competencies – are these ethical skills? Can skills be other than means? Can skills be ends? Who decides the ends in a world of only means? This seems highly implicative of Habermas’ idea of colonization. Economic man has overpowered all other views of the human kind. The balance between life world reproduction and system reproduction is to be found anew in the discussion on higher education and universities in society.

 

Especially as concerns the scientification of political life – the bureaucratization and technological approaches to top down social engineering calls for a research near general education that serves critical thinking to prevail in a civil society that must be just as “armed” with research based argumentations as governments and IO’s are. Habermas’ concept is that of a “radical democracy” – and in such a democracy the creative destruction of social capital through higher education is all the more necessary.[27] Higher education thus primarily should arm new generations, and older ones, with antidotes to the prevailing top down tendencies of governments and non-democratic international agencies.

 

 

 



[1] Wittrock, Björn. (1985). Before the Dawn. Humanism and Technocracy in University research Policy. In Björn Wittrock & Aant Elzinga (red.), The University Research System. The Public Policies of the Home of Scientists (s. 1-10). Stockholm: Almqvist & Wiksell International.

[2] Brennan, John and Rajani Naidoo (2008) ”Higher Education and the Achievement (And/or Prevention) of Equity and Social Justice” in Higher Education Vol 56. No. 3., pp.287-302.

[3] Wittrock, Björn. (1996 (1993)). The modern university: the three transformations. In Björn Wittrock & Sheldon Rothblatt (red.), The European and American University since 1800.Historical and sociological essays (2 ed., s. 303-362). Chippenham, Wiltshire: CambridgeUniversity Press. P.337

[4] Habermas, J. (1986). Die Idee der Universität–Lernprozesse. Zeitschrift für Pädagogik, 32(5), 703-718. (References below are to this version, referred to as “IU”). For an English version see Habermas, J. “The Idea of the University: Learning Processes” in New German Critique No.41 (1987). Habermas’ earlier writings on university reform (from the 1950ties and 1960ties) will not be considered here.

[5] IU p.704

[6] Ringer, F. (1969) ”The Decline of the German Mandarins: The German Academic Community 1890-1933,” Cambridge, Mass.: Harvard University Press.

[7] IU p.705

[8] IU p.714

[9] IU p.706

[10] IU p.707

[11] IU p.706

[12] For discussions on the compensation thesis see Ritter, Joachim (2003 (1961)). Die Aufgabe der Geisteswissenschaften in der modernen Gesellschaft. In Metaphysik und Politik: Studien zu Aristoteles und Hegel. Frankfurt am Main: Suhrkamp and Herbert Schnädelbach, (1988). Kritik der Kompensation. In Kursbuch 91. Wozu Geisteswissenschaften? (Vol. 91, s. 35-45). Berlin: Kursbuch Verlag.

[13] Gibbons, Michael, Camille Limoges, Helga Nowotny, Simon Schwartzman, Peter Scott, & Martin

Trow (1995). The New Production of Knowledge: The Dynamics of Science and Research

in Contemporary Societies. London: Sage Publications Ltd.

[14] IU p. 714

[15] IU p.707

[16] IU p.707

[17] IU p. 707

[18] IU p. 710

[19] For a discussion of the negative consequences of this development see Aant Elzinga “Evidence-based science policy and the systematic miscounting of performance in the humanities” at the blog: humaniorasociety.wordpress.com

[20] UI p.715

[21] Wittrock op.cit p.360

[22] UI p.717

[23] Habermas, J. (1987) ”The Theory of Communicative Action” Volume 2 “Lifeworld and System: a critique of Functionalist reason” Boston: Beacon Press, pp.142ff

[24] For a debate on this tendency in the Denmark see Laura-Louise Sarauw (2012) “Kur eller kurmageri for humaniora? – konkurrerende forestillinger om fremtidens samfund I den europæiske Bologna-proces.” in J.E.Larsen and M. Wiklund ”Humaniora i kunskapssamhället. En nordisk debattbok” Malmö: NSU-Press.

[25] Delanty, Gerard (2000) ”Citizenship in a global age. Society, culture, politics” Buckingham, Philadelphia: Open University Press, p.3.

[26] Habermas, J. (1962) ”Strukturandel der Öffentlichkeit” Darmstadt : Luchterhand.

[27] For this argument see Fuller, Steve. (2004) “Universities and the future of knowledge governance from the standpoint of social epistemology” in Final plenary address at the UNESCO Forum Colloquium on Research and Higher Education Policy, Paris (Vol. 3).

Alienation, language and freedom. A note on Bildung in Hegel’s writings

The General Argument

Hegel’s concept of Bildung is often explained with reference to the Introduction and chapter four in the Phenomenology.4 It is thought that for Hegel experience, negation and productive work are the determining elements for the Bildung of the consciousness as conscious being, in German Bewu?t-sein. In contrast to this, I argue that for Hegel Bildung cannot be completed through production. The most elaborate discussion of Bildung in the Phenomenlogy is found in the chapter six on Geist (i.e. spirit), and here it is the alienation and tearing apart of the self that is constitutive for Bildung, not working with some material. Bildung presupposes alienation as something experienced, but also as expressed. Language is thus a necessary component for Bildung. The point is here, that Bildung as a phenomenon is collective (a people and a family), political (about wealth, power and law), and historical (it develops until revolutions). Bildung is something that happens in relation to the spirit, not production. Bildung is therefore not just a matter of concern for an individual consciousness working with some material. This is the idea of Bildung, I will elaborate a little further on in the next section. In the rest of this section I will just complete the general argument.

With this general idea of Bildung as a framework it is obvious that Hegel must put a lot of emphasis on the importance of language and alienation also in the Gymnasium. In his annual speeches as rector he pays homage to traditional Bildung (W4: 307), but he also wants to open the minds of the students for new developments (W4: 314). This opening, however, can according to Hegel be achieved by confronting the students with the classical writings in Greek and Latin (W4: 319). The learning of language requires discipline, and since it is strange, it also breaks with conformity. The content of the classics, however, also give you the instruments to reconcile yourself with reality once again (W4: 320-21). As would be expected from his reputation as the spokesman of the state, Hegel of course emphasizes discipline (W4: 334-35), but he is also very careful to spell out that the youth needs time by themselves to be able to develop the character necessary for grating them freedom and liberty (W4: 351-53).

In his teaching material from the same period Hegel emphasizes that the Bildung should be both theoretical and practical. According to Hegel virtues to be cultivated in relation to science are the recognition of the limits of judgment, the importance of objectivity and disinterestedness (W4: 260). Practical virtues are first of all health, which enable us to fulfill our calling. We should be faithful to our calling, since as part of humanity it expresses something universal and necessary (W4: 262-63). Bildung is to Hegel what Kant would consider duties toward oneself. With these duties fulfilled in relation to ourselves, we are enabled to have duties in relation to others.

Bildung thus requires education, not just working with a material. In relation to Bildung, work can at most create tacit knowledge, whereas Bildung in the full sense presupposes language and culture. As such this account of Bildung in Hegel differs from interpretations in the slipstream of Marxism. The historical subject can never be the working class; the historical subject must have studied Greek and Latin in the Gymnasium.

The interpretation offered, however, also differs from the way the term has recently been understood by Robert Pippin. Bildung is not just a “learning process” (Pippin 2008: 122), neither is it “collective self-cultivation” (2008: 126), since cultivation is an instrumental purposive practice, whereas Bildung relates to the split between individual and collective, it partly happens behind your backs, and it is never completed. It is precisely by the consciousness being torn apart that Bildung is always open to freedom.

Some Details from the Phenomenology

This being the argument, I will just supply a few details to substantiate it a little more. In discussions of Bildung it is as mentioned common to refer to chapter four of the Phenomenology. It is here we get the detailed account of the conceptual logic of work, as it is carried out by the slave. Slavery is to be forced to work for somebody else. The consciousness of a slave in the service of a master is thus characterized by fear. For Hegel desire is characterized by requesting the “pure negation of an object”, which will thus be lost, and in this perspective Hegel can therefore think of work as another kind of negation, namely as “inhibited desire, delayed disappearances” (W3: 153). Crucial to Hegel is that the slave in this formation of the thing “comes to himself” (W3: 153). It is therefore common to link the work on the object to Bildung as such. One is supposed to form oneself, when working and thus forming the thing according to one’s own idea. In giving the thing its shape one externalizes oneself, and one can therefore recognize oneself in the resulting object.

It is normally presumed that Hegel in this figure let an awareness of one self in self-consciousness be created through the working process, and that Bildung therefore will be the result of production. However, Hegel consistently fails to use the word ‘Bildung‘ in this context. Instead when Hegel is writing on the formation of things in this passage, he uses the word ‘Bilden‘, and none of the two words appears in the account of the evolution of consciousness. It is clearly the case that Hegel let the thing be formed according to the idea of man working with the material and also that an awareness is generated through this work. That, however, does not mean that self-consciousness thereby attains Bildung.

The close connection between Bildung and alienation mentioned above is indicated already by a superficial look at chapter six on The Spirit. The combination of both these elements actually constitutes the title of section VI.B., “The world of the spirit, which is alienated for itself; Bildung”. Furthermore subsection VI.B.1 on “The world of the spirit alienated from itself” contains a sub-sub-section VI.B.I.a., which is named “Bildung and its realm in reality”, and this sub-sub-section is one of the longest in the book.

In this realm of Bildung consciousness confronts conflicts, contradictions and divisions, which are developed in relation to objects, in relation to consciousness itself, and even in relation to the contradictions themselves. For Hegel Bildung not only presupposes that consciousness becomes external to itself. It also means that consciousness becomes alienated to itself; actually Hegel goes as far as to say that alienation becomes alien to itself (W3: 366). Basically the problem is from the outset the conflict between the universal, which consciousness strives to express, and the individual or particulars, which appear in reality. Consciousness thinks to have the truth about itself, but again and again it becomes obvious to consciousness itself that what is expressed by consciousness does not have universal validity, and thus for Hegel no reality in the strict sense.

In the realm of Bildung the decisive contradiction is between the political power of the state and wealth (W3: 367). This conflict Hegel describes in various steps, which as a whole reconstructs the logic in the societal development from the feudal society to bourgeois or capitalist society. The decisive moment for Hegel, however, is, when language is introduced in the analysis. For Hegel it is language that really makes alienation and Bildung possible. The language is “the existence of the self as pure self” (W3: 376). Language allows the silent loyalty to be transformed into “heroic flattery” (W3: 378), and on the other hand, it elevates the power to “an existence refined to spirit”, the pure “similarity-in-itself: the monarch “(W3: 378). For Hegel it is language that constitute the absolute sovereignty of the king – l’état, ce moi – and this form of state on the other hand implies the most extreme alienation on the side of the servant.

The result is “laceration”, i.e. being torn apart in such an extreme sense that it must lead to a revolution. To Hegel this means that everything that is universal, everything “that is called law, good and right” (W3: 382) falls apart and is destroyed; “everything equal has dissolved” into “the purest inequality “(W 3: 382). According to Hegel, however, it is in this absolute alienation, we encounter the truth of Bildung. “The language of being lacerated is […] the perfect language and the true existing spirit of this whole world of Bildung.” (W3: 384) Self-consciousness is exalted in this rejection of “the absolute equality-with-itself in the absolute laceration” (W3: 385). The “pure Bildung” is “this absolute and general distortion and alienation of reality and thought” (W3: 385). In this alienated Bildung consciousness transcends both the noble loyalty and the vile meanness of the rebel. Its existence is “the general speech and the lacerating judging” (W3: 386) which, however, expresses what is “true and irrepressible” (W3: 386). This “lacerated consciousness” is “the consciousness of distortion”(W3: 386), which distorts “all concepts and realities “. The” shamelessness to pronounce this deception”, “alternately furious and soothing, urgent and mocking” is however “the greatest truth “(W 3: 387). For Hegel “the laceration of consciousness that is conscious of itself and speaks itself” is a “scornful laughter about life as well as about the whole confusion and itself” (W3: 389).

This description of Bildung in the Phenomenology of Spirit obviously presupposes the development of the culture of modern society, where people linguistically can relate both to themselves, to their surroundings and to the contradictions that arise in relation to themselves as well as between them. Bildung reaches its climax in the clear recognition of the contradictionary character of existence itself. Bildung is what is achieved by the one, who is indeed alienated, that is, not only alienated from himself and his surroundings, but also from the very alienation.

Concluding Remarks

Bildung and alienation are for Hegel thus processes, which clearly take place in the upper strata of society. Bildung presupposes the alienation, which can only be brought by in the formal education, and on its side Bildung creates the enabling conditions for further alienation, fragmentation and freedom of expression. Pushed to the extreme Bildung is simply alienation. Bildung is directed towards an end, which can be determined in advance. As Gadamer says, then Bildung is not a means to shape natural dispositions, which are given (Gadamer 1986: 17). In Bildung man must break with what is merely given and through negation sublate himself to universality.

These remarks apply both to the general concept of Bildung, as it is described in the Phenomenology and to the more pedagogical concept of Bildung that Hegel developed in his Nürnberg-writings. In relation to the classics in Greek and Latin one can develop alienation and laceration, and still it is precisely in these works, in the midst of lacerating despair, that it is possible to find one self again. However, this means that for Hegel there must be some kind of contradiction between being an educated person and having Bildung. For Bildung seems to be so closely associated with alienation, that Bildung can never be a process brought to a close. Bildung is precisely this that consciousness – that is, man’s conscious being – can still be moved by the impressions, which are worth being moved by. With Bildung one becomes able to form still better judgments, but one does not receive a set of final judgments.

Hegel clearly sees that higher administrative officers, as the Gymnasium mainly were to educate, must be able to take responsibility. Bildung as a special kind of spiritual formation thus require the experience of real freedom; Bildung must develop the capacity to make the right judgments in a very complex reality, and therefore it must not imply the feeling that action is concluded, or that that the answer is already given. The laceration means that each and every person must decide concretely for himself in every case. In a gender and class perspective, one can say that the upper-class sons of Hegel’s high school are trained for the freedom, responsibility and sovereignty required by the roles they must fill out in bourgeois society. This also means that for Hegel one of course gets some formation through productive work, but that does not mean that one gets Bildung. Negation is a necessary component of all kinds of consciousness formation, but productive work is not the only kind of negation, and actually it is a rather primitive one. In Bildung it is the experienced strangeness of antiquity, which is the negative component. The necessary break with the given reality happens in the alienation experienced in relation to the classical languages. To get the Bildung necessary for living in freedom and taking responsibility, for Hegel the worker thus has to enter high school.

References

Gadamer, H.-G. 1986. Wahrheit und Methode. Tübingen: Mohr. (Gesammelte Werke, Bd. 1)

Hegel, G. W. F. (W3). Phänomenologie des Geistes, i Hegel W.

Hegel, G. W. F. (W4). Nürnberger und Heidelbergerschriften 1808-1817, i Hegel W.

Hegel, G. W. F. (W). Werke in zwanzig Bänden. Frankfurt a. M.: Suhrkamp Verlag, 1969-71.

Heidegren, C.-G. 1995. Hegels Fenomenologi. En analys och kommentar. Stockholm/Stehag: Brutus Östlings Bokförlag Symposion.

Pippin, R. B. 2008. Hegel’s Practical Philosophy. Rational Agency as Ethical Life, Cambridge University Press.

 

1 The German term Bildung is very difficult to translate adequately into English. Bildung is a specific kind of formation, and the word can signify both the process of what in the US would be called liberal education, and the normative goal for such an education, namely to acquire Bildung or to end up as an educated person. These difficulties cannot be ignored when dealing with this matter in English, but for now I have restricted myself to a simple technical solution. In what follows I have thus used the German term, whenever there was any possibilities of misunderstandings.

 

2 The relation between the German Gymnasium and the high school of the English speaking world will not be dealt with here.

3 This note stems from a presentation at the winter session in Nordic Summer University at Turku University in Finland, February 11th 2012. I have given a fuller account of the argument in the original Danish version, ”Hegel. Fremmedgørelse, sprog og frihed”, which will be a chapter in the Norwegian anthology edited by Ingerid Straume, Danningens Filosofihistorie (Oslo: Gyldendal).

4 Cf. e.g. Heidegren (1995: 464).